Jean-Pascal
Jean-Pascal était fils de facteur du côté de Perpignan.
La cinquantaine avancée, petit, rubicond, il avait "la voix qui porte" et le tempérament anxieux. Trois infarctus sur le dos, déjà, et la tendance à s'empourprer dans des attaques de colère épiques, suite auxquelles nous le calmions gentiment de peur qu'il ne rechute.
Il souffrait de ses origines humbles, à ses yeux, et de ses études relativement modestes. Intelligent, il pestait de voir de jeunes polytechniciens le devancer dans cette entreprise française qui n'est plus la mienne.
Jean-Pascal déversait des décennies de frustration sur ses subordonnés, dont je fus. Nous étions tantôt ses infirmiers attentifs, calmant ses anxiétés et l'écoutant dans des conversations téléphoniques interminables; tantôt ses souffre-douleurs, quand il voulait imposer sa supériorité qu'il sentait en danger. Sa rancune était pour la vie, le jour où par mégarde on le vexait.
Il avait gagné ses gallons en Afrique du Sud, où les Sudafs', comme il disait, l'avaient adopté malgré son sale caractère. Avec orgueil il se souvenait avoir géré de grands projets de déploiement, cinquante personnes l'écoutant religieusement lors des "briefing" hebdomadaires. Sans observer l'aprtheid, qui était encore en vigueur, il partait le soir faire de la musique dans un petit club noir. Dans ces temps tristes de racisme, on pouvait tout de même soritr seul le soir à Jo'burg sans se faire dépecer.
Il rentra d'Afrique du Sud pour ne pas perdre son épouse et ses enfants, qui ne le reconnaissaient plus. Et pour se soigner le coeur.
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