C'est l'histoire d'une souffrance. Claude avait vingt-cinq ans, une dépression d'amour aux épaules, un premier contact dur au monde du travail. Claude se promenait dans le parc de Fontainebleau, entre un cours et l'autre à INSEAD. Prestige au-delà de ses moyens. Brillance au-delà de son état d'esprit.
Claude s'en sortit, eut son diplôme et partit loin, à l'étranger, pour toujours. Nous nous écrivons de temps à autre.
C'est l'histoire de Nathalie. Elle avait huit ans, lorsqu'elle m'a rendu visite à Paris. Elle a aimé la Tour Eiffel, elle n'a pas aimé Notre Dame, mais surtout, surtout, elle est tombée amoureuse du métro. Heureusement qu'il n'y avait pas de grève, comme dirait Zazie...
C'est l'histoire de Maria. La cadette de deux filles, elle était le don inespéré du ciel d'un couple qui se croyait stérile. Petite, elle eut son portrait de petite blonde aux yeux bleus peint par la gloire locale de la peinture. Benetti. Maria grandit avec des angoisses névrotiques, elle tombait dans des crises épouvantables. Elle voulut se marier à son fiancé mourant, à l'âge de cinquante ans. Je l'ai connue fumeuse acharnée, quarante kilos pour 1m 60, le portrait émouvant de son vieux père que j'aimais beaucoup.
Maria est toujours en vie quelque part près de la frontière suisse. Je ne la vois pas depuis vingt-cinq ans et je le regrette.
C'est l'histoire de mon grand-père Luigi. A dix-sept ans, on l'a envoyé à la Guerre sur le front autrichien.
Prisonnier peu de jours plus tard, il passa l'année suivante auprès d'une ferme où on le traita comme un fils. Jusqu'à sa mort, longtemps après l'armistice, Luigi écrivit une carte de Noël à ses amis de l'autre côté de la frontière.
