La Porte de Champerret a longtemps été pour moi un terrain vague de l'autre côté de la ville. De mon quartier-village enfui loin sur la Rive Gauche de la Seine, je n'en avais que des bribes d'images, celles d'un endroit serré pèle mêle entre périphérique et maisons bourgeoises: Autant dire un carrefour sans charme où on passerait vite et fatigué pour se rendre ailleurs.
Une fois, un entretien de travail et, une autre, une visite à une collègue m'ont montré une autre face, poussiéreuse et ennuyeuse celle-ci, des maisons disposées le long du Boulevard Péreire et du vieux chemin de fer : Impression morne qui a révéillé le souvenir de quelques visites plus anciennes à mon agence de Levallois, closes par d'interminables pots et faux sourires Place du Maréchal Juin. Travail, argent, confort triste.
Il aura fallu dix ans et un déménagement pour apercevoir ces rues amples ouvertes sur le ciel avec plus de chaleur et d'empathie.
Je ne trouve rien de plus beau, aujourd'hui, qu'un coucher ou un crépuscule planant sur le boulevard où les voitures filent, au-dessus d'arbres nombreux aux beaux branchages. L'éternel "ciel de Paris" s'ouvre grand sur la silhouette du Concorde Lafayette. Voilà, ouverture, air, espace, vitesse et mouvement, une autre ville, celle où on rentre chez soi après une journée sur les routes.
Les lotissements parisiens du dix-neuvième siècle sont entrecoupés d'espaces verts inattendus, autour de Sainte-Odile, le long de la voie ferrée - j'ai même déniché un petit square où des héros de l'action et de l'art latino-américains ont leurs bustes groupés dans un amphithéâtre de pierre. Un front d'habitations bon marché (HBM) en vieille brique fait face côté Paris aux HLMs plus récents et orange du côté banlieue, magnifiquement baignés de soleil les soirs de beau temps.