samedi 31 mai 2008
vendredi 30 mai 2008
Margherita
C'est l'histoire de Margherita. Margherita était une de deux filles, les héritières du clan "des Colonels" - chaque famille portait un surnom dans la vallée. Les deux soeurs reçurent une éducation universitaire, du jamais vu dans les premières années après guerre, et Margherita devint pharmacienne pendant que l'aînée faisait ses lettres.
Le magasin de Margherita était le plus beau du village. Tout en bois, il sentait bon les bonbons Ziguli à l'orange que je me faisais régulièrement offrir.
Je m'assayais sur le banc du fond, sous la fenêtre donnant sur la rue, pendant que ma mère achetait du coton hydrophile et de l'alcool.
Une fois, nous entrions sans rien acheter. A la sortie Margherita nous arrêta et fit payer 10,000 lires d'amende. "Les Colonels" étaient hommes et femmes d'affaires...
dimanche 25 mai 2008
Daniela
C'est l'histoire de Suor Daniela. Daniela était fille de famille à Novara, de parents protestants qui la poussaient aux meilleures études et aux plus hautes ambitions. Je ne sais comment l'Appel l'en détourna pour lui faire intégrer, soudainement convertie au catholiciscme, les ordres salésiens.
Elle avait la petite quarantaine lorsque je l'ai connue. Brillante, encore jolie, par sa nature passionnée, chaleureuse et sans compromis - serait-elle devenue fanatique ou martyre dans d'autres temps - elle commençait à buter contre la petitesse de la robe et les étroits couloirs du couvent. Comment s'en étonner, alors qu'elle avait le tempérament de s'offrir des directions d'entreprise et des maris et des amants.
Daniela réagissait en prenant à bras-le-corps sa mission - punition ? - d'éduquer de grandes étudiantes incroyantes; alors que nous, nous la côtoyons forcées et contraintes dans les murs du pensionnat milanais où les chambres étaient à bon prix. Dans ses moments de frustration elle s'évadait en nous lisant les cartes, ou bien elle préparait des horoscopes élaborés que nous discutions dans la petite salle commune - dans des relents de cuisine, assises sur des canapés usés au rebut.
C'était peut-être le plaisir de contrevenir aux directions de la Maison, qui n'approuvait pas ces pratiques païennes : Nous avons pris du bon temps dans cette salle.
Publié par JC-Milan à 13:14 0 commentaires
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samedi 24 mai 2008
vendredi 23 mai 2008
jeudi 22 mai 2008
mercredi 21 mai 2008
mardi 20 mai 2008
lundi 19 mai 2008
dimanche 18 mai 2008
Les voisines qu'on ne souhaite pas
C'est Piera, je ne la voyais qu'au petit commerce d'en bas, pour acheter le lait et le pain.
Hâve, le teint gris, la tignasse teinte en pourpre, elle vivait de ses charmes dans mon immeuble. Ses quatre enfants, puis trois, lorsqu'un accident de route emporta le cadet, étaient à l'école avec moi. Son mari contrebandier, qui l'avait épousée jeune adolescente, était mort dans un crash de camion, la nuit.
Piera faisait tache dans le voisinage bienséant du village. Un mélange de compassion et de dégoût faisait que tout le monde aidait un peu la famille, mais aussi que chacun se protégeait et se tenait à l'écart. Mille fois ma mère maudissait ce trafic de clients louches qui lui faisaient peur, pour ses propres enfants, mais quand même elle montait parfois avec un gros panier de bonnes choses en cadeau. C'était leur Noël. Ainsi des motions pour faire déménager Piera se heurtèrent toujours au sentiment de pitié pour les gamins.
C'est ce voisinage inquiétant qui m'a imposé une discipline extrême dans mes sorties, et qui a fermé à double tour la porte de mon appartement d'enfant face aux camarades de classe. Ce n'était pas sans raison, puisque les garçons de Piera ont mal tourné, qu'ils ont fait de la prison et sont devenus violents. La fille aurait été agressée chez elle encore enfant, avant d'être éloignée auprès d'une tante à Milan.
Il m'en reste un grumeau de peur aux tripes, qui remonte parfois, au tournant d'un palier, dans la rue, ou dans des cauchemars de mort. Très vite, la conscience que tout homme peut être un danger.
J'entends dire qu'au moins un des fils s'en est sorti, aujourd'hui. Il serait dans la compétition automobile. Je m'en réjouis.
Publié par JC-Milan à 11:46 0 commentaires
samedi 17 mai 2008
Balbo
C'est l'histoire de Balbo, meilleur ami de mon père. Balbo était né à Albany, dans l'état de New York, de deux ouvriers italiens. Rentré en Italie avec les parents, il fit des études de médecine dans la belle ville padane de Pavie, enfuie dans le brouillard, puis repartit en hâte aux Etats-Unis pour éviter le service militaire. Boston, New York, Atlanta, et enfin Buffalo furent les étapes d'une confortable carrière de cardiologue.
Je l'ai connu quand, à quatorze ans, il m'invita avec mon frère à la découverte de l'Amérique. Il habitait sa belle maison d'été sur le Lac Erie, une folie qu'il ne put se permettre longtemps, énorme bâtisse en bois dans des hectares de verdure. Il y avait une belle véranda au carrelage ocre, un salon immense aux meubles blancs et ouvrant par des bowindows sur la pelouse, côté lac. Nous dégustions, dans la petite salle à manger, des soupes de betterave que la seconde épouse de Balbo, hongroise, nous préparait, le soleil du soir baignant le décor toujours blanc de lumière orange. A côté, la salle de la télévision, et à l'étage, nos chambres à coucher, chacune dotée de sa salle de bains.
Hall d'Hôtel, à Atlanta
Balbo était heureux comme un enfant de pouvoir parler italien avec nous. Rentrant plus tôt que d'habitude de son travail, il nous offrait des San Pellegrino Bitter rouges et nous sortions faire de longues marches dans le couchant. "Ma guarda", soit "vois-tu", répétait-il souvent dans ses longues confessions d'émigré nostalgique.
Publié par JC-Milan à 16:51 2 commentaires
mardi 13 mai 2008
lundi 12 mai 2008
dimanche 11 mai 2008
Chien qui mord
C'est l'histoire d'Inès. Inès était comme un chien battu, qui mord la main qui le caresse.
Chien chassant au château de Breteuil
Fille cadette d'une famille nombreuse et riche, elle grandit dans l'ombre des garçons du bel appartement bourgeois, Bd Saint Germain. Comme son père l'avait appris en Algérie: les hommes à la ville, les femmes à la cuisine - les études pendant le temps libre, s'il y en avait.
Le jour où néanmoins Inès passa brillamment son concours d'admission aux Grandes Ecoles, ratant d'une place seulement Politechnique, sa mère la gifla de colère d'avoir ainsi humilié ses frères - plus ternes.
Inès partit à l'étranger avec le premier mari disponible, travailla, divorça en secret, rentra, se cacha. Mélange d'intelligence vive et de colère rentrée, elle restait d'approche dangereuse. Il m'est arrivé de l'effleurer, je crois, et mal m'en fut.
Où mène-t-elle ses pas furieux, aujourd'hui ?
Publié par JC-Milan à 09:09 0 commentaires
samedi 10 mai 2008
Die Szene
C'est l'histoire de Philippe. Philippe était né à Poitiers dans une famille de fonctionnaires, enfants de militaires. Les premières années écoulées dans un confort douillet, entre ville et bord de mer, trouvèrent une fin en deux deuils répétés, la soeur adolescente, puis la mère. Une cassure que la naissance du petit frère compensatoire Thibaut, favori de son père, vint sanctionner.
J'ai connu Philippe à Munich, ville qui toujours attire les homosexuels par le biais du mythe Ludwig - me disait-il. Il fréquentait die Szene, soit le milieu gay, et y avait trouvé une paix relative. En rupture avec sa province natale, il brûlait ses nuits. Philippe s'entourait aussi de femmes amies, qu'il séduisait en frère prévenant, et dont il devenait ensuite pourri jaloux.
Philippe a été un de mes compagnons de balade et de soirée aux charmants cafés munichois.
Café dans le Marais
Nous étions une bande d'amis solidaires de tous les pays. Le temps de quelques saisons et la bande s'est dispersée aux quatre coins du monde.
Philippe habite toujours Munich. Il ne nous a pas pardonné notre départ, je crois, et s'est isolé dans son petit studio de l'ouest de la ville.
Publié par JC-Milan à 10:28 0 commentaires
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jeudi 8 mai 2008
dimanche 4 mai 2008
Au Jardin des Plantes
Le Jardin des Plantes était la limite de mon Paris, lorsque j'habitais le 13 et mes balades butaient sur les quais de la Seine. Face à la toujours élégante Gare d'Austerlitz, les rues donnaient le pas à l'air et à l'eau de la rivière.
Quartier curieusement paresseux envahi par les familles au printemps, je me joignais au flux pour profiter de la floraison.
J'aimais le côté suranné des serres et l'esprit positiviste des scientifiques qui y ont laissé leur trace. Un petit air de Londres, où Buffon aurait remplacé Darwin.
Longtemps je ne m'aventurais pas, pourtant, au sein du musée. Pour les enfants, me disais-je. Il fallut une visite de la famille pour que, tous ensemble, nous prenions nos tickets et accédions à l'intérieur.
Une des plus belles architectures de Paris en verre et fer nous enveloppait de rose, de vert et de bleu...
vendredi 2 mai 2008
BAZAR au village
C'était une quincaillerie de village comme il y en a tant, mais son propriétaire Bernardo l'avait baptisée BAZAR. Aux teintes brunes de ma petite enfance - je me souviens y avoir fait acheter une petite canne de marche à la poignée couleur cuivre - une devanture verte suivit dans les années quatre-vingt. Le nom BAZAR y était écrit en grandes lettres bleues après un énorme B rouge. B, comme Bernardo, petit homme rond, chauve, éternellement coiffé d'un Borsalino en feutre calé bien en arrière sur la tête.
Bernardo avait deux enfants, dont Ferruccio, la première trompette de l'harmonie municipale. Ferruccio prit la succession de Bernardo au magasin et en fit une grande quincaillerie moderne. J'ose à peine y entrer à présent, les portes automatiques glissent en s'ouvrant sur moi et un énorme comptoir en zinc m'intimide à l'entrée.
J'ai retrouvé à Istanbul le petit commerce dans le vrai BAZAAR. Avec deux A, l'original. Des tas de petits Bernardo attendent aux aguets devant la porte de leur bijouterie ou de leur friperie, aimables sans trop insister, sur un sol lisse et impeccable. Les portes sont ouvertes en permanence, pas besoin d'automatismes ou de clim'. Les propriétaires s'assoient devant la vitrine sur un petit tabouret et parlent à leurs voisins et aux chalands.
L' a-t-il jamais visité, le BAZAAR, Bernardo ?
Publié par JC-Milan à 15:14 1 commentaires
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