C'est La Nouvelle Fabrique de l'Histoire qui m'a mis la puce à l'oreille. Ils ont dédié leur semaine de radio aux brigands et bandits à l'occasion de la sortie de "Mesrine" sur les écrans, et ils ont parlé de "Un condé" de Yves Boisset (1972).
Je n'ai vu ni l'un ni l'autre, faute de trouver une copie DVD pour l'un et d'avoir le temps de passer au cinoche pour l'autre. Les rayons de ma petite filmothèque m'ont fourni en succédané, l'un après l'autre, "Un flic", de Jean-Pierre Melville, et "Max et les ferrailleurs", de Claude Sautet.
N'est-ce pas toujours un peu le même scénar' que ces vieux noirs du cru '70 nous offrent?
Déjà, c'est la ville, et il pleut toujours sous le roues de voitures et les semelles des passants glissant sur le macadam... Il fait plus souvent nuit que jour et la lumière est livide.
Un Homme-Seul-Qui-Ne-Cause-Pas traque les méchants. A la fin on tire, beaucoup meurent - pas que les bandits. A peine si les balles épargnent la jolie plante des trottoirs qui, seule présence féminine, a traversé l'écran plein d'hommes. La limite entre bons et méchants s'estompe et le goût est amer.
"Un flic" fut un bide dans les salles, Melville ne s'en remit pas. C'est vrai que son film exige de la patience et toute la passion du genre pour se laisser regarder. A l'encontre de l'image joviale qu'il promène sur nos écrans télé aujourd'hui, Alain Delon est glacial dans cette pellicule, les gouttes de pluie givrent lorsqu'elle touchent son imper'. De longues minutes passent sans dialogues lorsque les truands, finalement pas odieux, mais pas sympathiques non plus, s'évertuent à réussir des coups impossibles. Catherine Deneuve est une comète froide sur fond de night-club.
Une émotion profonde, au contraire, dans "Max..." de Claude Sautet. Michel Piccoli est aussi méchamment distant que Delon dans son obsession de justice, mais il a une vie intérieure et c'est la passion qui le bouge - voir la folie froide. Très touchante pute au grand coeur que Romy Schneider, d'autre part, la petite reine des truands de banlieue. L'intrigue est serrée ici, une tragédie se noue sans issue, quitte à...
Les deux films finissent dans les rues frigides autour de l'Etoile. Mais alors que Melville traine de façon assez convenue dans les lieux sans visage du voyage, les voitures et les trains, Sautet fait un petit bijou de portrait de la banlieue. Son Nanterre ouvrier habité de petits malfrats dans leurs apparts' soixante-dix est parfait.